lundi 28 octobre 2019

La pollinisation par les abeilles accroît la rentabilité des cultures de colza

Credit photo : Wikimedia Commons, H.Rival/(CC BY-SA 4.0)

Des chercheurs de l’Inra et du CNRS viennent de montrer pour la première fois que la pollinisation par les abeilles surpassait l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans le rendement et la rentabilité du colza. L'équipe de recherche a analysé quatre années de données collectées dans des parcelles d’agriculteurs d’une plaine agricole des Deux-Sèvres (Nouvelle Aquitaine). Cette étude est parue dans Proceedings of the Royal Society London B le 9 octobre 2019.

Etudier les effets de la pollinisation et l’usage de produits phytopharmaceutiques sur les rendements des cultures et le revenu des agriculteurs

La réduction des intrants chimiques peut-elle maintenir la production agricole et le revenu des agriculteurs ? Ce paradigme de l’agroécologie repose sur l'utilisation de principes de l’écologie, visant à équilibrer les enjeux environnementaux et économiques. De nombreuses études ont mise en évidence que les cultures dépendantes des pollinisateurs, telles que le colza ou le tournesol, peuvent produire de meilleurs rendements en présence d’une forte densité d'insectes pollinisateurs, en particulier d'abeilles. Mais dans les parcelles agricoles en agriculture conventionnelle, l’usage de produits phytopharmaceutiques tels que les insecticides et les herbicides visant à réduire les bioagresseurs des cultures, a également un effet direct (mortalité) ou indirect (réduction de ressources florales) sur les insectes pollinisateurs. Bien que la pollinisation soit l’un des services les plus évalués, les effets des interactions entre la pollinisation et les usages des produits phytopharmaceutiques sur les rendements des cultures et les revenus des agriculteurs n’ont jamais été étudiés.

Une rentabilité économique plus avantageuse avec les pollinisateurs

Les scientifiques ont donc quantifié les effets individuels et combinés des pesticides, de la pollinisation par les insectes et de la qualité du sol sur le rendement et la marge brute du colza (Brassica napus L.) sur une taille d’échantillon variant de 85 à 294 parcelles cultivées de la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre de 2013 à 2016. Cette étude démontre une augmentation de rendement et de marge brute (en moyenne de 15 % (119€/ha) et allant jusqu’à 40 % (289€/ha)) dans les parcelles avec une abondance de pollinisateurs maximale par rapport aux parcelles pratiquement dépourvues de pollinisateurs. Cet effet est toutefois fortement réduit par l'utilisation de pesticides. L’analyse des effets des produits phytopharmaceutiques (herbicides et insecticides) d’une part et de la pollinisation par les abeilles d’autre part, révèle que les deux stratégies permettent d’obtenir des rendements élevés ; mais seule la pollinisation par les abeilles permet une rentabilité économique plus élevée. Ceci s’explique par l’absence de coûts des solutions fondées sur la nature par rapport aux produits phytopharmaceutiques, et ces derniers n’augmentant pas suffisamment les rendements pour contrebalancer leur coût.

Cette nouvelle étude suggère que l'agroécologie, en promouvant les solutions fondées sur la nature pour la production agricole, peut-être un modèle agricole alternatif « gagnant-gagnant » assurant production agricole, revenu aux agriculteurs et protection de l’environnement (communiqué CNRS).

jeudi 24 octobre 2019

Europe et test abeilles : le Parlement recadre la commission - Réaction de l'Unaf

 Le 24 octobre, une écrasante majorité d’eurodéputés se sont opposés à la proposition de la Commission européenne de projet de règlement sur l’évaluation de l’impact des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles communes.

Voici le communiqué de l'UNAF à ce sujet.
COMMUNIQUE DE PRESSE

Evaluation des impacts des pesticides sur les abeilles :
les Eurodéputés infligent un revers à la Commission et aux Etats membres en refusant d’entériner le maintien de standards d’évaluation des pesticides scandaleusement bas.  Un immense soulagement pour l’Union Nationale de l’Apiculture Française.


Aujourd’hui, le mercredi 23 octobre 2019 à Strasbourg, les parlementaires européens se sont opposés, à une écrasante majorité, à la proposition de la Commission européenne de maintenir des règles d’évaluation totalement obsolètes des impacts des pesticides sur les abeilles. C’est un immense soulagement pour le monde de l’apiculture !

Rappel des faits :

En 2012, l’agence européenne de sécurité alimentaire, l’EFSA, a pointé du doigt les « faiblesses majeures » de l’évaluation de l’impact des pesticides sur les abeilles.
L’année suivante, en conséquence de son avis de 2012 et pour aligner l’évaluation sur les nouvelles exigences règlementaires[1], l’EFSA a fait une proposition de nouveau document d’orientation contenant les méthodes à mettre en œuvre pour évaluer les effets des pesticides sur les abeilles domestiques et sauvages, notamment en ajoutant la toxicité chronique, larvaire et les effets sublétaux des pesticides.
Depuis 2013, soit depuis 6 ans, la Commission n’est pas parvenue à faire avaliser ce document de l’EFSA par les Etats membres de l’Union européenne.
Fin 2018 et courant 2019, pour aboutir sur ce dossier et afin d’obtenir un consensus parmi les Etats, elle a progressivement amputé le document de l’EFSA de ses avancées majeures. Commission et Etats membres se sont ainsi mis d’accord :
-     Pour ne pas évaluer la toxicité chronique des effets des pesticides sur les abeilles, alors que selon l’EFSA, la toxicité à long terme peut dépasser les prédictions fondées sur les essais à court terme ;
-     Pour ne pas évaluer les impacts sur les abeilles sauvages, alors que des tests sont disponibles pour certaines espèces et que l’on connait le déclin alarmant des pollinisateurs sauvages.
Les Etats membres et la Commission ont donc fait sciemment le choix d’occulter tout un pan des connaissances scientifiques actuelles bien que le règlement sur les pesticides exige de fonder les décisions sur « l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques ».

C’est cet arbitrage scandaleux que la Commission a soumis au Parlement européen et qui a fait l’objet d’un vote décisif aujourd’hui à Strasbourg. Nos Eurodéputés ont ainsi refusé de valider les évolutions réglementaires insuffisantes proposées par la Commission (533 voix pour l’objection – 67 contre – 100 abstentions). Ils ont également demandé à la Commission et aux Etats de revoir leur copie « sans tarder » en incluant toxicités chronique et larvaire pour les abeilles et la toxicité pour les abeilles sauvages.

Commentaires de l’UNAF :

Selon une étude allemande de 2017, 75% des populations d’insectes volants ont disparu en un quart de siècle. Et chaque année, les apiculteurs subissent un taux annuel de mortalités de leurs colonies de 30% en moyenne.

Face à cette proposition inacceptable de la Commission, le Parlement européen a donné une réponse à la hauteur des enjeux, pour la biodiversité et pour la pollinisation de notre alimentation. Depuis plusieurs mois, apiculteurs et ONG environnementales faisaient face avec désolation à un processus décisionnel opaque vidant de sa substance le document le plus abouti à ce jour pour évaluer les impacts des pesticides sur les abeilles.

Pour Gilles Lanio, Président de l’UNAF, « le Parlement européen siffle enfin la fin de ce jeu de dupes, dans lequel les pouvoirs publics auraient voulu continuer de faire croire que les pesticides étaient correctement évalués. C’est une victoire pour l’apiculture, mais la Commission doit encore la concrétiser. C’est aussi une victoire pour la démocratie et la transparence des décisions. »